Pour un spectateur et cinéphile né en 1982 comme moi, le cinéma américain avec lequel nous avons grandi est synonyme de cinéma d'action un genre métamorphe qui a marqué les deux dernières décennies du XXème siècle. Certes le cinéma dit "d'action" existait bien avant ces années-là mais c'est véritablement durant celles-ci que ce genre a explosé et s'est définitivement transformé.
/image%2F6872672%2F20230406%2Fob_8f8576_conan-3.gif)
Il y a de tout temps eu une place pour le cinéma d'action dans l'histoire de cet art, et en particulier dans l'univers cinématographique américain, hollywoodien. Depuis les premiers péplum jusqu'aux westerns de Série B en passant par les films de samouraïs ou d'arts martiaux le cinéma d'action a existé, plus même il a reçu quasi immédiatement l'approbation du grand public.
En ces temps dorénavant reculés de la chronologie du cinéma, les Action Movie n'existaient pas à proprement parler car ils s'inscrivaient en réalité dans d'autres genres comme le western ou le polar voir la science-fiction ou le thriller. Jusqu'au milieu des années 80 il en était ainsi du cinéma d'action ce n'est qu'à partir de 1985 ou 86 que le basculement à lieu, il est assez difficile d'identifier le long-métrage ou les longs-métrages marquants ce passage, cette transformation vers un genre à part entière "le film d'action". Dans lesquels le scénario, le contexte passaient en second derrière les scènes de bagarres, d'explosions, de poursuites ou de fusillades.
Ce jalon est peut-être la suite du célèbre Rambo ? Sorti en 1985 Rambo II: La Mission trahissait en quelque sorte le premier volet et même le genre film de guerre dans lequel il a été classé instantanément. Ce Rambo II était à l'époque plus connu pour les scènes d'actions que pour son intrigue tout à fait secondaire, les spectateurs allaient voir ce film principalement parce que cela pétait dans tous les sens, John Rambo massacrait quiconque se mettait sur son chemin pour sauver les prisonniers de l'enfer des goulag vietnamien. On se rappellera que Portés disparus de Joseph Zito avec Chuck Norris racontait la même chose un an plus tôt ! C'est peut-être celui-là le repère ?
Après ce succès d'autres producteurs et réalisateurs ont mis en chantier des copies, on se souvient de Commando par exemple autre film "bulldozers" sorti quelques mois plus tard ou un ancien para (Schwarzzy) doit récupérer sa fille kidnappée ou encore Invasion U.S.A. de nouveau avec Chuck Norris et sortant dans la foulée. Après durant cette période des vraies réussites en terme de cinéma d'action sortent telles que Aliens, Robocop, Total Recall ou bien Predator mêlant habilement des nombreuses scènes d'actions à une intrigue imaginative, une réalisation performante et un propos à de la science-fiction, ou dans les polars L'Arme fatale, Le Flic de Beverly Hills, ...
/image%2F6872672%2F20230406%2Fob_d4e156_hacker-2.gif)
Mais peu-à-peu l'action pure prend le pas sur le reste, les producteurs et les studios voulant faire toujours plus vite, plus haut et surtout plus fort que les rivaux en promouvant des nouvelles stars bodybuildées, créant/vendant ainsi des icônes occultant totalement les pitch (Je vais voir le nouveau Van Damme !). Une course au spectaculaire est enclenchée et ne s'arrêtera d'ailleurs pas de sitôt, cette course continue encore à l'heure actuelle seuls les participants ont changés.
Une surenchère qui transformera définitivement le cinéma de divertissement, sclérosant tous les genres et tous les paysages internationaux avec cependant moins de moyens financiers; on verra dans ces années-là grâce à l'industrie des VHS en pleine explosion, les industries cinématographiques de Chine, du Japon, de Hong-Kong voir même en Europe sauter sur l'opportunité de faire de pognons avec ce type de cinéma.
Un autre tournant pour le cinéma d'action à lieu en 1999, après de nombreux classiques et même quelques chefs d'oeuvre tout au long des années 90, sort Matrix. Film révolutionnant non seulement le techno-thriller et la science-fiction mais également le film d'action avec plusieurs scènes encore maintenant stupéfiantes. Cependant avec le recul Matrix n'aurait-il pas fait plus de mal que de bien au genre ? J'entends par-là que grâce (ou à cause) de Matrix, les producteurs et studios voir les scénaristes et cinéastes, ce sont tous rendu compte des possibilités quasi infinies données par le passage au "Tout numérique". L'imaginaire et en particulier en matière de scènes à grand spectacle n'était dès lors plus bridé par la technologie restreinte, par les trucages old fashion, par le danger pour les cascadeurs, tout était désormais possible en terme de technologie numérique et cela allié à cette escalade de l'action, cette émulation allait provoquer en réalité la décadence du genre et la disparition ou l'obligation de changement de registre pour des grands noms comme McTiernan, Mann, Woo, Cameron, Verhoeven voir Besson.
/image%2F6872672%2F20230406%2Fob_f7df17_last-action-hero.jpg)
Cette perte de qualité va être plutôt rapide selon moi, elle arrivera dès les débuts du "Tout numérique". Suffit de comparer par exemple la deuxième Trilogie Star Wars à la première, spécifiquement en matière d'effets spéciaux et par conséquent de scènes d'actions. L'oeil humain n'est pas idiot, il se rend compte qu'un objet ou pire un être vivant numérique n'est pas quelque chose que l'on peut toucher, que cet objet n'existe pas et cela malgré toutes les performances de certains artistes de laptop. Même l'objet le plus véritable ou du moins crédible possible n'aura jamais la même existence, la même authenticité qu'un objet (ou être) matériel, palpable à la main.
Et c'est bien là, le problème, les studio américains n'ont pas compris ou plus précisément s'en moquent complètement de créer des images croyables tant qu'ils pensent faire des oeuvres incroyables et de recettes en salles invraisemblables, la qualité de l'oeuvre n'est que secondaire dans ces cas-là et quoi de mieux pour attirer les spectateurs par centaines de millions que de faire exploser des gigantesque infrastructures volantes, détruire des villes entières, élaborer des planètes exotiques luxuriantes et cela même au détriment de la crédibilité. Attention, moi aussi j'apprécie l'imaginaire et la créativité exacerbées mais je voudrais croire à ce que je vois, force est de constater que c'est de plus en plus rare !
Et cette dernière remarque ne concerne que les films développant encore une histoire, un scénario racontant quelque chose car heureusement ça existe toujours ! Parce que concernant ces centaines de longs-métrages d'actions se complaisant dans la futilité, dans l'action pour l'action, sans intrigue suivie et suivable le constat est encore bien pire. Tout cinéphile qui se respecte se rappelle même après une seule vision de l'intrigue de L'Arme fatale 3 par exemple pourtant sorti il y a presque trente ans et bourré de scènes de poursuite, de coups de feu et d'explosions, mais vous rappelez-vous seulement un bout de celle des Fast&Furious 4, 5, 6, 7 ... pourtant bien plus récents ? Probablement pas car celles-ci étaient auxiliaire et artificielle.
/image%2F6872672%2F20230406%2Fob_3b85b6_ultron-1.jpg)
La mode du film de super-héros s'éternisant n'arrange rien à notre affaire, sans cracher dans la soupe, car moi également je regarde les productions Marvel ou DC mais pas vraiment pour les scènes d'actions qui ne m'ont existé qu'à de très rares occasions; on peut citer deux ou trois exceptions comme Logan ou Le Soldat de l'hiver, et comme par hasard il s'agit de film aux scènes moins boostées aux images numériques. Ces longs-métrages à l'imaginaire farfelu prônent pour la domination d'un cinéma créé sur fond vert qui ne promet rien de bon pour l'avenir du genre selon moi. Puisque tout a déjà été fait dans la création d'univers fictionnel, de destruction massive, de bestioles et de monstres ce cinéma d'action là est voué à se répéter indéfiniment.
Heureusement il existe des autres options, comme celle de la Corée du sud dont le cinéma produit actuellement le meilleur cinéma d'action au monde sous la houlette de réalisateur talentueux tels que Na Hong-Jin, Kim Jee-Won, Park Chan-Wook, ... qui maîtrisent parfaitement l'action tout en narrant des histoires viables et souvent même brillantes. D'autres cinéastes comme C. Nolan, E. Wright, N. Winding Refn, D. Mackenzie, ... parviennent à tirer leurs épingles en jouant à contre-courant, en parallèle à ce concours de celui qui à la plus grosse ...! Continuant avant tout à raconter des histoires, agrémentées de scènes spectaculaires d'autant plus efficaces qu'elles viennent en complément à une intrigue et pas en dévoreuses de celle-ci.