Depuis maintenant une grosse dizaine d'années, un genre ou plutôt sous-genre horrifique fait le bonheur des cinéphiles notamment par l'intermédiaire des productions de la société A24, il s'agit du Folk Horror.
/image%2F6872672%2F20221022%2Fob_59934e_the-wicker-man.jpg)
Avant d'aborder l'engouement, il faut d'abord pouvoir définir ce terme de Folk Horror, ou horreur folklorique. Comme indiqué, dans le mot il s'agit de faire de l'horreur avec des éléments des folklores des quatre coins du monde. Que ce soit dans le domaine du fantastique et du surnaturel issu de mythologies ou bien dans un registre plus terre à terre, s'apparentant plutôt au thriller l'horreur folklorique doit combiné divers éléments liés à la religion, au sectarisme, au paganisme, à la ruralité, à la nature voir même à l'écologie et plus rarement au communautarisme.
Mais d'où peut bien provenir cette mode ? Très longtemps dans le cinéma fantastique et horrifique, un manichéisme était de mise, le combat entre le Bien et le Mal tout passait par cette confrontation. Que l'on combatte un vampire, un loup-garou, un poltergeist il fallait quasi obligatoirement s'armer d'un crucifix ou d'eau bénite ainsi que d'une foi chrétienne indéfectible. Or avec la déliquescence du Christianisme en Europe et chez les intellectuels/auteurs, les progrès de la science expliquant les phénomènes paranormaux liés à la religion, même les rares pratiquants qu'ils restent dans le monde ne prennent plus au pied de la lettre ces histoires d'anges, de saints, les oeuvres narrant cette lutte du Bien contre le Mal se retrouvent un peu passées de mode. Une certaine ouverture d'esprit permet dès lors de traiter du Paganisme sans faire l'amalgame coutumier de celui-ci avec le Satanisme ou la sorcellerie comme il était de tradition depuis les premiers pas du cinéma fantastique, du moins d'une manière péjorative tout en continuant à vouloir donner des frissons en utilisant les rites et pratiques païennes.
Enfin débarrassé de la soumission, de la culpabilité envers la foi dominante qui s'est exercée jusque dans les années 90/2000 débuté par la montée de la Contre-culture durant les sixties (The Wicker Man, référence absolue sort en 73) le cinéma fantastique a pu commencer à appréhender les sujets surnaturels sous un autre angle; une nouvelle guerre est même envisagée (dans plusieurs oeuvres bien que la plupart du temps dorénavant les personnages soient athés) entre les chrétiens et les païens, sans qu'il n'y ait de Bien ou de Mal mais de la diversité qui peut être vu comme du Nihilisme, le paganisme ayant même le privilège de l'âge et soutient un retour aux origines religieuses des hommes avant la domination des monothéismes. Certains films font pourtant de la résistance comme la saga Conjuring ou des films d'exorcisme, se référant aux chefs d'oeuvre de la lutte entre Dieu et ses fidèles et le Diable et ses partisans tels que L'Exorciste, La Malédiction ou Rosemary's Baby.
/image%2F6872672%2F20221022%2Fob_229d8a_midsommar-dancing.gif)
L'engouement pour la Folk Horror vient donc en grande partie des phénomènes sociétaux voulant la diversification des croyances, la globalisation de ceux-ci également car ce sous-genre folklorique non seulement remonte dans le temps dans les civilisations et/ou mythologies pré-chrétienne mais aussi s'étale sur tous les continents. D'ailleurs à l'intérieur même de la catégorie Folk, on peut très bien en définir une sous-catégorie nommé "Pagan Horror". Bien sûr le plus connus des films estampillés "Folk", et nouvelles références du genre Midsommar s'installe dans la culture scandinave ou The Witch revenant sur la sorcellerie au temps des colonies britanniques en Amérique or les asiatiques ne sont pas en reste avec The Medium voir The Strangers, même Netflix s'y ait mis avec His House mettant en scène une histoire de possession ancrée dans la tradition soudanaise; il y avait également la curiosité et rareté, produite et réalisée par un des réalisateurs du Projet Blair Witch Eduardo Sanchez, Septième Lune se déroulant durant la Fête des morts en Chine.
La Folk Horror la plupart du temps nie les éléments clairement surnaturels pour s'attaquer à des actions sur l'incompréhension entre les croyances, sur la curiosité des rites ainsi que sur les forces ancestrales ou naturelles parfois difficilement explicables. Donnant un aspect plutôt thriller que purement fantastique à ces longs-métrages, comme dit plus haut le progrès et le science ayant passés par-là, il est devenu compliqué de faire sérieux, crédible avec des intrigues d'anges combattant les démons ou d'esprits vengeurs terrorisant des pauvres gens dans une maison les spectateurs sachant très bien que tout cela n'existe pas ! Alors qu'une secte pratiquant des sacrifices dédiés à un Dieu quelconque dans le large panel des divinités disponibles ressurgissant de la nuit des temps ou infligeant des tortures pour garder secrètes leurs messes, pourquoi pas ?
Voici quelques titres dans un ordre chronologique, histoire de mieux saisir le genre:
1922: La Sorcellerie à travers les âges (Häxan) de Benjamin Christensen
1952: Le Renne blanc (Valkoinen peura) de Erik Blomberg
1957: Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon) de Jacques Tourneur
/image%2F6872672%2F20230314%2Fob_c11bc9_les-diables.jpg)
1962: Brûle, sorcière, brûle ! (Night of the eagle) de Sidney Hayers
1964: Onibaba, les tueuses (Onibaba) de Kaneto Shindo
1966: Le Pacte avec le diable (The Witches) de Cyril Frankel
1968: Le Grand inquisiteur (The Witchfinder General) de Michael Reeves
1968: Les Vierges de Satan (The Devil rides out) de Terence Fisher
1970: Horreur à volonté (The Dunwich Horror) de Daniel Haller
1971: La Nuit des maléfices (The Blood on Satan's Claw) de Piers Haggard
1971: Les Diables (The Devils) de Ken Russell
1973: Le Dieu d'osier (The Wicker Man) de Robin Hardy
1975: Pique-nique à Hanging Rock (Picnic at Hanging Rock) de Peter Weir
1975: Course contre l'enfer (Race with the Devil) de Jack Starrett
1984: Les Démons du maïs (Children of the corn) de Fritz Kiersch
1999: Le Projet Blair Witch (The Blair Witch Project) de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez)
2008: Sauna (Sauna) de Antti-Jussi Annila
2010: Black Death (Black Death) de Christopher Smith
2011: Kill list (Kill List) de Ben Wheatley
2013: English Revolution (A Field in England) de Ben Wheatley
2016: The Witch (The Witch: A New England Folktale) de Robert Eggers
2017: November (November) de Rainer Sarnet
2017: Le Rituel (The Ritual) de David Bruckner
2018: Le Bon Apôtre (Apostle) de Gareth Evans
2019: Midsommar (Midsommar) de Ari Aster
2019: The Lighthouse (The Lighthouse) de Robert Eggers
2021: The Green Knight (The Green Knight) de David Lowery
2021: Lamb (Lamb) de Valdimar Johannsson
/image%2F6872672%2F20221025%2Fob_d946c7_onibaba.jpg)